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Soleil et Terre
1 novembre 2015

La grotte de Bernifal

Bernifal



Le vieux paysan marche, courbé par le sens de la marche. Celle-ci descend dans une grotte qui demande à ce que l'on se plie pour pouvoir y entrer. La porte n'est pas large et ni très haute. Et le geste de se courber pour accéder à l'intérieur correspond aussi au salut que l'on transmet pour tout ce qui vit ici. Le vieux paysan y entré et sorti un nombre incalculable de fois.

Il y a bien longtemps que nous nous sommes vus ; ose-t-il dire aux êtres qui approchent ce sanctuaire. La forêt accueille, elle prépare ceux qui viennent le visiter. Les premiers abris sous roche aussi. Les esprits qui observent chaque pas. Ils écoutent. Attentifs au moindre son, à la démarche, à l'attitude. Ils sont les premiers gardiens, ceux qui transmettent et communiquent à travers l'imperceptible.

Au seuil, juste au seuil ! La grotte de Bernifal ouvre finement sa bouche. Son souffle est contemplatif, reliant la patience à ce lien magique. Les ancêtres eux aussi observent avec un calme posé, la nuée de pensées qui tourbillonnent avec insistance autour de la porte.

Le vieux paysan se confond. Il vérifie le bon fonctionnement de ses instruments. La lampe, la baguette, la batterie et les recommandations. Personne ne paye d'avance, juste à la sortie. Une personne, l'une après l'autre pénètre en ce lieu partagé par de lointains ancêtres.

Approcher les mains, ouvrir les yeux, écouter l'écoulement d'une source aspirant au silence. Sa confidence est une longue inspiration au mouvement simple qui se pose sur la terre. Une sensibilité nouvelle en découle.

Le vieux paysan sollicite les dernières pensées à voir la coiffe, le visage et la finesse du trait. La femme. Le bison qui fait face à la porte. Les deux mains gravées. Le tourbillon s'est définitivement éparpillé et dissout dans une spirale invisible ou renaissante. L'autre bison au naseau marqué, aussi fort grand et puissant qu'un bison, en est le témoin essentiel.

La lampe s'éteint et la pénombre enveloppe tout ce qui porte un corps. Le sol devient glissant. Seul le paysan confirme qu'il y a un petit problème de connexion, tandis que le vieil homme s'en amuse. Le mammouth au ras du sol est son premier complice. Tous deux observent les mouvements de ceux qui n'osent plus se déplacer, ni bouger, ni oser. La lumière revient. Un court moment, révélant les émotions émergentes au cheval, au petit âne, au renne, au bison et à d'autres mammouths... La connexion vacille de nouveau.

L'atmosphère rafraîchit et une force génératrice imprègne le cœur de chaque être ici présent. Le tambour frappe dans les tempes, aux creux des mains et jusqu'à la plante des pieds. Certains êtres en sont plus sensibles que d'autres mais l'enchaînement est inévitable. L'art pariétal se découvre. Une fois dévoilé à la conscience, il se réactive. Chaque zone en est ainsi plus sensible encore et l'énergie du lieu se diffuse.

La pensée semble passagère seulement, laissant libre cours à l'intuition, libérant en chaque être un instinct plus minéral. L'énergie circule du fond de la gorge et la salive a un goût de transparence. A la racine de la porte masculine, les effluves féminines délivrent des onctuosités charnelles. La nature capte la nature et déclenche au sein du ventre une volupté grisante. Une alcôve, une stalagmite, l'envie d'y promener une ombre parfumée. Un signe triangulaire, un symbole.

L'ombre vient s'y loger. L'évocation singulière et stylisée serait-elle suffisante à développer l'appel répondant au signal d'une union amoureuse ?Un peu plus loin encore, le sol se dérobe. Le groupe s'étiole en une longue guirlande qui descend vers la profondeur.

Le manganèse est aussi le conducteur majeur guidant la conscience vers d'autres champs de perceptions. Certaines zones du cerveau en sont probablement affectées, réveillant en elles la vitalité nécessaire qui allumera le contact entre l'hypophyse et la glande pinéale.

De nouveau la pénombre s'allume et la profondeur se détache un peu plus du temps et de la porte de sortie. Le vieux paysan agite sa batterie et les fils croisés qui lui permettent de revenir à ce monde. Les mémoires s'entrechoquent. Des centaines de petits points rouges dessinent une hutte, une petite cabane, une maison, de la fumée.

D'autres ne se perçoivent qu'à la lampe laser scientifique. Chaque point parcourt un détail d'une patience minutieuse et appliquée. La réalisation s'offre à la culture de la personne qui s'identifie à ce qu'elle voit, à ce qui résonne en elle.

Cet art est un sentier inspirant pour l'être qui maintient en lui ce désir d'accéder à différents plans de conscience. Ainsi, deux mammouths stylisés observent depuis le plafond le rayonnement de ces personnes, invitées à se tourner vers l'entrée, la source, l'origine de leur naissance.

Le vieil homme détourne alors la relation à la mère nourricière et ramène l'attention du groupe vers ce petit fusain minéral, un silex planté dans la roche. Mais la porte féminine aspire au souffle d'une nouvelle contemplation. Le rhinocéros veille, un ours, un félin, d'autres animaux protecteurs de taille à résister aux étrangers malveillants.

La lueur du temps oscille avec ce sens commun. La vision pénètre au sein d'une sexualité créatrice. L'utérus s'ouvre à l'expression d'une réalité en mouvement. La matrice initie l'homme à l'énergie féminine, elle initie la femme à son pouvoir de femme qui initie à son tour.

Le paysan lui ne fait pas attention à cela et laisse derrière lui les deux ou trois retardataires. Deux hommes et une femme.

L'un d'eux reste au fond de la grotte. L'autre tente de rejoindre le groupe tandis que sa compagne résiste pour en savoir un peu plus, ou le ressentir plus fort !

La grotte offre ainsi ses dernières tentatives de rendre beau l'espace minéral et souterrain. Le vieux guide a bien quelques histoires encore le long de sa petite baguette.

Son instinct d'homme est aussi aiguisé que la pointe de ces stalagmites luisantes et humides, augmentant ainsi le silence sécrétée par la fontaine cristalline.

Les codes n'ont guère changé et le langage du corps demeure également cellulaire et hormonal. La terre du bison croise la femme initiée à la vie. Son ventre en frémit encore et son pas maladroit remercie la femme coiffée, se détachant du relief.

Une sorte d'excitation en module les effets, les sensations. La racine y trouve une nourriture si particulière que l'espace se comprime jusqu'à la sortie. Celle-ci s'éveille et s'active.

Le vieil homme souffle comme un jeune mammouth. Comme chaque présence manifestée ici-même, il préserve une bienveillance qui ne se voit pas, parce que celle-ci ne se montre pas. Bienveillance pour la grotte, pour les anciens, pour la mémoire, pour les visiteuses et les visiteurs, pour celles et ceux à venir encore.

Avant le dernier salut, une ultime percée remonte de la rotonde située dans la profondeur. Une douce énergie qui enveloppe et prend soin, qui donne le soin. Chaque pensée est une gravure, un signe, un symbole, un animal peint.

Un fragment de lumière, une alcôve recouverte d'ombres et de songes multiples. Chaque pensée est aussi une stalagmite, un faisceau qui ondule entre l'appel charnel et une sensation frémissante à la racine. Chaque pensée apaisée par la grâce fondue dans chaque cellule du corps et de la conscience.

Chaque pensée que le mental ne peut agiter tant la force est féminine, profonde, sensuelle et éclairante.

La forêt se détend et déploie le vert de ses arbres entre les branchages célestes. Un murmure, une sorte de chuchottements parcourt l'épine dorsale de celle qui découvre la main du vieil homme. Le paysan lui tend ses quelques pièces en retour. Elle frémit intimement. Lorsque vous reviendrez, ce sera peut-être différent .C'est ce qu'elle a entendu. Lui parlait-il ? A présent, comment savoir ?

D'un signe qui présente son cœur, elle remercie la grotte, les anciens, la mémoire, le sanctuaire et le vieux paysan qui déjà lui échappe. D'autres invités attendent. Un autre groupe ! D'autres ombres, la pénombre. Une nouvelle panne de batterie ! Cela est largement possible encore.

Le rêve part de ce sentier qui pénètre dans la forêt. De drôles de visages accompagnent la pensée qui rêve. Une bulle s'en échappe. Toute la forêt est en émoi. Juste au bout de ce sentier, il y a une porte. Lorsque celle-ci s'ouvre, et que le corps, la pensée et le rêve en traversent le seuil, c'est ici le sanctuaire : la grotte de Bernifal.



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